Les lundis de l’environnement B comme « bêtes fauves »

« B… comme bêtes fauves » : mort annoncée d’une conciliation ratée !
Aperçu par Michaël BOURU.
A.T.E.R en doctorat de droit.

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Ce que le droit qualifie comme « bête fauve », ce sont les animaux considérés comme les « nuisibles absolus » pour l’Homme et son environnement DE MALAFOSSE J. Droit de la chasse et protection de la nature, PUF, 1979, p.221.).

Le droit appréhende ce statut de l’animal d’une part car il créait potentiellement des risques contre l’environnement, contre la propriété et notamment contre les pratiques agricoles, d’autre part car il doit faire l’objet de mesures de protection intrinsèque en tant que faune sauvage. L’atteinte à ces espèces est donc contrôlée. Il s’agit d’une faune sauvage, donc d’une faune par essence non maîtrisable.
Selon certains auteurs PRIEUR M., Droit de l’environnement, Précis, Dalloz, 2011, 6e Ed., n°645, p.514), le régime applicable à ces animaux est quelque peu archaïque. Il ne coïncide pas nécessairement à l’utilité qu’offre ces espèces au profit des équilibres des espèces sauvages, plus globalement au profit de la biodiversité. Néanmoins, cette catégorie juridique pourrait être amenée à disparaître, notamment car de nombreuses espèces antérieurement considérées comme nuisibles ont finalement bénéficié d’un statut d’espèce protégée.

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En pratique, ces bêtes fauves correspondent aux espèces qui peuvent provoquer des atteintes aux sols, aux terres ainsi qu’aux zones faisant l’objet d’un droit de propriété. Malheureusement, le droit n’a pas su établir de liste exhaustive recensant cette catégorie d’animaux. Ce qui signifie que l’interprétation d’un animal comme relevant de la catégorie « nuisible absolu » relève de l’appréciation discrétionnaire de son chasseur lorsque l’animal n’appartient pas à la liste des nuisibles classiques. Liberté qui ne profite logiquement pas à l’accusé (l’animal) et qui se confronte à une appréciation très subjective voire aléatoire du chasseur. La négligence, l’imprudence ou l’erreur du chasseur est donc toujours possible, et ne ramènera jamais à la vie l’animal chassé. Au juge incombera dès lors la charge d’établir une faute commise par ce chasseur d’infortune.

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Si les juges ont intégré dans cette catégorie les sangliers et les grands cervidés, les renards, les loups ou encore les loutres sont aussi concernés.
Avec regret, le simple statut de propriétaire d’un terrain ou de fermier offre la liberté absolue, dans le temps et dans l’espace, de détruire ou de repousser ce type d’espèce.

Une condition néanmoins : l’animal doit potentiellement porter atteinte à la propriété. Cette condition n’est pas purement hypothétique ou faiblement probabilisable. L’atteinte doit être imminente, c’est-à-dire sur le point de se produire, ou être accomplie. Une liberté qui est d’ailleurs quasi absolue à l’encontre de ce « nuisible absolu » : l’utilisation de tout moyen est envisageable, y compris l’arme à feu, à l’exception bien heureusement des fosses et collets considérés probablement comme synonymes de maltraitance.

Une nuance néanmoins : depuis 1968, les sangliers et grands cervidés sont considérés comme pouvant intéresser les activités de chasse. Du coup, l’assimilation à la chasse met fin au droit discrétionnaire du propriétaire ou du fermier de le détruire. Seul l’acte de repoussement est alors autorisé. Malheureusement, la protection des sangliers n’est pas homogène sur le territoire français, à tel point que certains départements le considèrent comme nuisible.

Considération non dénuée de conséquences : le sanglier offre l’autorisation de plein droit au propriétaire ou au fermier de le détruire. Encore une fois, aucune restriction dans l’espace et à l’égard des moyens utilisés. Seul garde fou : être titulaire du droit de chasse et d’une autorisation expresse et individuelle de destruction. Mais quelle autorisation ! Une autorisation de tirer « sans formalités et en tout lieu ».

Le droit a choisi de fonder juridiquement le pouvoir de tuer un « nuisible absolu » non comme un acte répréhensible mais comme le corollaire d’un acte de légitime de défense. Traditionnellement, la légitime défense est admise lorsque proportionnellement, l’acteur menacé répond promptement à une atteinte imminente ou réalisée, à son intégrité physique ou à ses biens. C’est ainsi de cette manière que l’acte de légitime défense n’a pas été considéré par le législateur comme un acte classique de chasse.

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Un mal pour un bien dirons-nous car le droit de propriété est un droit fondamental, absolu et inviolable. Or, l’inviolabilité de ce droit n’a sûrement pas été consacrée pour protéger les violations de propriété par…des animaux, mais davantage celles fomentées par des individus mal intentionnés. Certes, l’atteinte aux biens est difficilement acceptable par le propriétaire d’un terrain, agricole, simplement fleuri ou esthétiquement aménagé.

Et il est clair qu’en cas d’atteinte à la personne humaine, imminente ou réalisée, la victime doit pouvoir riposter, d’une manière jugée adaptée face à l’urgence de sa propre défense.
Mais en cas de seule atteinte aux biens, peut-être faut-il réfléchir à des mécanismes permettant de repousser l’animal autrement, par exemple par des mécanismes contraignant le propriétaire d’un terrain à mieux le clôturer ou à dissuader l’animal, surtout dans les zones du territoire où la liste de nuisibles est élargieLégitime défense d’autant moins justifiée que souvent, les dégâts causés par le gibier sont indemnisables par des fonds de garantie. Alors pourquoi éliminer de manière irréversible un animal qui a causé un dommage purement réversible – lorsqu’il n’est pas contre la personne humaine évidemment ?

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Une hypothèse possible : la mesure instituée pourrait être un palliatif aux battues administratives que les autorités sont parfois contraintes d’opérer. Alors comme l’énonçait un auteur : à quand « la séparation entre la chasse et l’Etat ? » (FARRACHI A.👈. Pour la séparation entre la chasse et l’Etat, Droit des animaux, 2008).
Légitime défense👈 d’autant moins justifiable que l’animal, nuisible ou non, pré-occupait une myriade de terres en zone rurale jusqu’à ce que l’Homme vienne les lui « confisquer » par l’appropriation privée… Concilier l’homme et l’animal dans un même habitat, mais avant tout un habitat naturel : une conciliation que le droit peine à envisager avec pragmatisme.
La terre est à tous et nous devons apprendre à cohabiter car l’homme est un animal comme un autre!

Qu’en pensez-vous ? Quel est votre point de vue !?
Cat. et Michael.

9 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Joëlle dit :

    La cohabitation de l’homme et de l’animal, problème délicat. Je parle en connaissance de cause: entre les lapins qui détruisaient notre jardin (maintenant clôturé), les renards qui mangent les poules de mes parents, les oiseaux qui avalent les cerises de notre unique cerisier (l’an dernier je n’ai pas pu en manger une seule!)… Pacifiste de nature, je freine au passage de n’importe quel animal sauvage, et je fais contre mauvaise fortune bon cœur, mais ce n’est pas forcément le cas de ceux qui vivent de leurs cultures. En même temps, les cultures dépendent, tout comme nous, de la richesse de la biodiversité. À méditer pour trouver un juste milieu.

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    1. Tu as raison, c’est un vaste sujet à méditer et qu’il est difficile de régler à la légère. Personnellement, les écureuils me mangent mes noisettes et finalement qui a plus le droit de les manger? La cohabitation est nécessaire pour eux comme pour nous car des animaux en voie de disparition, c’est le recul de notre humanité… Merci pour ton partage. Belle journée Joëlle.

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  2. Virginie dit :

    On ne sait déjà pas vivre avec nos semblables : les Hommes alors je doute que nous puissions respecter les bêtes

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    1. Tu as raison mais j’ai l’impression que la tendance se renverse un petit peu ! Non?

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      1. Virginie dit :

        Peut-être … J’espère !

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        1. Doux rêves pour une vie meilleure…🍀…en espérant que l’homme réagisse 🙂 bonne soirée 💋

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  3. Carole dit :

    Cohabiter ? Cela semble difficile de la part des hommes !
    Bonne journée.

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    1. Et oui! Pourtant, on leur vole et on leur grignote leurs espaces de vie… C’est comme si on expropriait un humain pour lui piquer sa maison… Belle journée. Carole.

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      1. Carole dit :

        Oui, c’est tout à fait ça !

        Aimé par 1 personne

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